Vous est-il déjà arrivé d’entendre le commandant de bord appeler un médecin pour une intervention d’urgence en plein vol ? D’après une étude de Drew Peterson publié dans le New England Journal of Medicine, ce cas de figure se déroulerait plusieurs milliers de fois chaque année à bord des avions qui volent au dessus de nos têtes. Ami(e)s médecins, sachez que vous êtes juridiquement responsables si vous soignez un passager, même à 12 kilomètres au dessus du plancher des vaches, à bord d’un avion. À la rédac’, l’info nous a surpris. Après quelques recherches, il s’avère que c’est effectivement le cas. Explications.
Cas concret : y’a t-il un médecin dans l’avion ?
Partons de la situation décrite en introduction. Le commandant de bord fait un appel cabine pour une intervention auprès d’un passager qui fait un malaise. « Ici votre commandant de bord, nous demandons un médecin à l’avant de l’appareil… » – Un passager médecin répond à l’appel. Il vient porter assistance aux personnels navigants. Après un atterrissage rapide, le passager malade décède à l’hôpital quelques heures plus tard. Quels sont les risques pour le médecin ? Est-ce grave s’il décide de ne pas répondre à l’appel du pilote ?
À savoir : un médecin passager français à bord d’un avion engage sa responsabilité civile, pénale et ordinale en cas d’intervention médicale. On vous explique pourquoi.
Responsabilité civile du médecin en avion :
Intervenant bénévolement à la demande du commandant, le médecin engage sa responsabilité bien qu’elle ne soit pas contractuelle comme à l’accoutumée.
Pour engager la responsabilité civile, 3 conditions doivent être réunies.
- Le médecin doit commettre une faute au cours des soins.
- Le patient doit présenter un préjudice.
- Le préjudice pour le patient doit avoir un lien de cause à effet évident avec les soins prodigués par le médecin.
Responsabilité pénale du médecin en avion :
Tout d’abord, il faut préciser que les règles de droit pénale françaises sont applicables à bord d’un avion immatriculé en France quelque soit l’endroit où il se trouve sur la planète selon l’article 113-4 du Code Pénal. Deuxièmement, le délit de non-assistance à personne en danger est sanctionné par l’article 223-6 du même code.
Un médecin qui, par exemple, se cache dans les toilettes de l’avion ou qui ne répond pas volontairement à l’appel du commandant de bord peut donc être puni de 5 ans d’empressement et de 75 000€ d’amende. Les circonstances atténuantes sont alors la non-connaissance du péril imminent subi par le « patient » (ce qui peut tout à fait être le cas sans présence du dossier médical ni autres précisions).
À noter que le médecin peut également être mis en cause en cas de manquement grave dans les soins prodigués au passager malade (maladresse, négligence, prudence, etc).
Responsabilité ordinale du médecin en avion :
Comme les y oblige l’article R. 4127-9 du Code de la Santé Publique, « tout médecin qui se trouve en présente d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou blessé est en péril, doit lui porter assistance. »
De plus, l’article 4127-70 du même code, dicte le principe de l’omnivalence du diplôme de médecin. Un médecin ne peut donc pas s’estimer incompétent même à bord d’un avion. Un bémol est en revanche apporté par le même article qui stipule « qu’il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose. »
Et à bord d’un avion étranger ?
La loi française, par l’intermédiaire de l’article 113-11 du Code Pénal, est applicable même à bord d’un avion pour tous les crimes et délits commis par toute personne de nationalité française ou lorsque l’avion atterri en France après le crime ou délit.
A retenir !
Ami(e)s médecin, pas de panique ! La jurisprudence en question n’existe pas car aucun médecin n’a, à ce jour, jamais été jugé devant un tribunal pour une ou plusieurs interventions médicales d’urgences à bord d’un avion en plein vol.
Reste que si cela devait arriver, les assurances professionnelles couvriraient surement tout ou partie des frais engendrés. Nous pouvons peut-être même espérer que les compagnies aériennes prendraient des dispositions exceptionnelles et viendrait en aide financièrement au médecin intervenant. Mais tout cela reste de l’ordre de la supposition.
Bon vol les Avgeeks !
La Rédac’
Sources: Article Margaux DIMA – Juriste
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